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Lobbying: un métier passion !

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Son rôle et son statut dans la société

Une veille systématique sur la connaissance de l’environnement politique et règlementaire, est le premier point incontournable pour commencer ses activités de lobby. Ensuite, il faut identifier des cibles, démarcher des acteurs clés, dérouler des arguments convaincants. Il peut être utile de mobiliser l’opinion publique, mais le meilleur lobbying est souvent celui dont on n’entend pas parler.

L’argumentation nécessite que l’on s’inscrive délibérément dans un camp, alors que les pouvoirs publics, confrontent deux légitimités contradictoires. Par exemple :est-il possible de maintenir l’emploi tout en respectant l’environnement ? De respecter l’environnement tout en protégeant les agriculteurs ou la compétitivité des industries ? Chaque décision est un dilemme qui entraîne des hésitations. Si l’une d’elles ne recueillait aucune opposition, elle serait déjà prise.

Pour les décideurs c'est un travail d’arbitrage délicat. Pour ces fonctionnaires qui instruisent le dossier, c’est un travail d’enquête : recevoir toutes les parties, démêler les intérêts des uns et des autres, réussir à percevoir la part de réalité que comportent le discours des uns et le discours des autres. Dans les antichambres du pouvoir, le lobbying apporte une contribution à l’éclairage de son bien-fondé mais sans prendre de décision, qui restent l’apanage du pouvoir. Par contre, le lobbyiste défend son argumentation car on ne plaide bien que si on est soi-même convaincu. Une enquête auprès de 200 professionnels a fait ressortir que le lobbying est "une profession passion, où on ne compte pas ses heures"

Au sein de grands groupes, les lobbyistes sont des cadres, intégrés à une équipe peu nombreuse (une dizaine, voire une vingtaine de membres) dont le patron est en lien direct et fréquent avec la haute direction ; dans les sociétés de conseil, les lobbyistes sont des consultants, soumis aux jeux des clients, ce qui demande une agilité intellectuelle certaine, étant donné les contraintes de temps et de simultanéité des dossiers ; les associations professionnelles ont toujours un rôle de lobbying important - parfois, elles ne font que du lobbying ; leurs cadres doivent tenir compte en permanence de la demande des adhérents. Dans les ONG, l’action de plaidoyer se fonde plus sur le bénévolat.

Reconnaissance du métier 

Souvent vilipendée, la profession réclame une reconnaissance institutionnelle, fondée sur un vrai encadrement règlementaire, mais elle reste discrète, malgré son lien évident avec le fonctionnement public. Seuls l’acceptent les régimes qui respectent la libre expression des citoyens, la liberté d’association et qui font reposer leurs décisions sur un travail continu de dialogue public/privé. Le lobbying est donc consubstantiellement lié au système démocratique. Mais ce lien peut s’interpréter en deux sens:

  • Le lobbying répercuterait aux décideurs les préoccupations réelles du peuple.
  • L’influence serait alors un complément inévitable, produit par les insuffisances de compétence de la part de nos représentants élus.

Dans tous les cas, c’est le signe d’une certaine faillite du système électif de représentation, devenu inapte à résoudre seul les questions collectives, empêtré qu’il est dans la complexité des questions et les excès de sa préoccupation électorale.

Quoi qu’il en soit, le lobbying se situe au croisement dangereux des phénomènes difficiles à accorder : la loi, l’économie, la politique, l’argent, la communication.

  • Il touche à la loi, et plus généralement à la décision collective par laquelle les pouvoirs publics contraignent, autorisent, distribuent de l’argent ou en prélèvent par l’impôt.
  • Il touche au monde des affaires et à l’argent, puisqu’on connaît peu de dossiers qui ne comporte aucune retombée économique - même si les buts premiers ne sont pas de cet ordre (les problématiques liées à l’environnement en sont de bons exemples)
  • Il touche à la politique, aussi bien au sens stratégique du terme (il agit souvent sur des orientations structurantes, comportant des effets à long terme) qu’au sens plus immédiat - la « politique politicienne », dépenses électorales à la clef.

Dans ces conditions, il est clair que de nombreuses dérives sont possibles. Sans en exagérer la fréquence, on doit être attentif à l’éthique des méthodes. Certaines sont clairement proscrites par la loi : corruption, menaces, etc. Cependant il existe une frange grise incluant des comportements qui sans être clairement interdits, sont contraires à l’éthique dans l’esprit. C’est notamment le cas en matière de communication : la diffusion de "fake news", est difficile à définir et à prouver. Je n'irai pas jusqu’à condamner le mensonge par omission, présent dans certains plaidoyers comme dans beaucoup d’autres activités d’affaires, où on se soucie plus d’aboutir efficacement que de chercher la Vérité. Il appartient au représentant des pouvoirs publics qui écoute une argumentation d’en découvrir les failles et d’en compléter les omissions, jusqu’à disposer du panorama complet de la situation. À lui d’éviter de subir, par paresse ou par faiblesse, des influences nocives : la déontologie du lobbying est aussi celle des agents publics.

Ses véritables desseins

Il n’y a cependant pas seulement des mauvaises pratiques, il peut aussi y avoir des intentions discutables. Tous les acteurs du lobbying le font-ils toujours en vue d’un « bon combat » ? Un pesticide, qui a récemment alimenté la chronique, fournit une réponse. On en trouverait d’autres. Ce qui pose une question parfois douloureuse aux lobbyistes qui assurent un rôle subalterne - nous pensons aux juniors dans les cabinets de conseil. Décider de soutenir tel ou tel dossier ne dépend pas de leur volonté. Ils peuvent parfois éprouver des réticences face à un objectif qui heurte leur sensibilité personnelle - le lobbying en faveur des activités d’armement en est un exemple. Que faire, alors, face aux exigences d’une hiérarchie, elle-même soumise à un grand patron ou à un client ? Les contraintes du travail salarié sont fortes, mais la déontologie devrait permettre que certains comportements de refus ne soient pas sanctionnés.

À cet égard, le lobbyiste salarié se trouve plus démuni que d’autres professions : contrairement à un journaliste, il ne peut refuser d’agir dans des conditions qu’il juge non éthiques et, si ce refus va au conflit, il y sera complètement perdant. Un progrès consisterait à rendre obligatoire, dans les contrats de travail des lobbyistes, une « clause de conscience » analogue à celle des salariés de la presse. En marginalisant les déviations toujours possibles, elle entraînerait une auto-régulation qui bénéficierait à tous.

Apportant des informations professionnelles aux décideurs, le lobbyiste peut se concevoir comme un expert. Le dossier du pesticide déjà cité a mis en lumière la dérive importante qu’une expertise biaisée peut apporter lorsque la décision met en jeu des sujets hautement techniques. On attend d’un bon expert qu’il soit à la fois compétent et indépendant. Si la compétence est largement répandue, l’indépendance est plus problématique et c’est un point faible de nos dispositifs institutionnels, souvent fondés sur des dires d’experts sans autre contre pouvoir. À Paris et surtout à Bruxelles, on ne compte plus comités, conseils divers et autres instances consultatives. Leur pouvoir réel va au delà d’un simple éclairage préalable des questions, si loin qu’on a fait de leur gestion une discipline nouvelle, la « comitologie ». La diplomatie d’entreprise travaille, de manière de plus en plus perceptible, à accéder à ces lieux d’influence technique, pour se situer en amont de la décision. Ce n’est pas forcement pour en améliorer l’objectivité.

Des outils nouveaux, une technicité accrue, un changement dans les coopérations, des soucis d’éthique, tout cela fait que le lobbying a dépassé le stade artisanal. Devenu un vrai métier, il était temps de commencer à l’enseigner si nous souhaitons des lobbyistes éthiques et responsables.

Le lobbyiste enfin formé ?

Les cadres qui, dans leur maturité, exercent le métier sont tous autodidactes en la matière. Faute de diplômes spécialisés à l’époque de leurs études, ils ont d’abord exercé des postes à responsabilités incluant des relations haut placées ; puis ils ont appris le lobbying « sur le tas », même si leur bonne formation générale les y a beaucoup aidés (en France, on trouve principalement des juristes et d’anciens élèves de Sciences-Po).

Une fois l’activité mieux reconnue, et l’Europe y a beaucoup aidé, le thème a commencé à s’ériger en discipline académique. La formule la plus répandue a consisté à insérer un « module de lobbying » dans des formations connexes, le plus souvent au bénéfice d’autres formations - à l’intelligence économique, à l’analyse stratégique, à la communication.

Les formations tout à fait spécialisées sont plus rares. C’est ce que procure, depuis plus de 20 ans, le Master 2 de Relations européennes et lobbying de l’ICP qui a formé plus de 300 diplômé(e)s.

Le pari semble réussi d’arriver, en un an de formation académique et de stages, à rendre des cadres capables de maîtriser les divers aspects d’une démarche complexe qui associe le droit, la sensibilité politique et la communication. Les fonctions assurées peuvent comporter de la veille législative, l’analyse de situations complexes, la rédaction d’argumentaires, la recherche de financements internationaux, le montage de projets ou d’évènements, etc. Les débouchés se situent en majorité dans les milieux d’affaires (entreprises, associations professionnelles, sociétés de conseil), mais aussi dans la communication, le développement régional, les ONG et milieux associatifs.

L'avenir du lobbying

Pour l’instant, il se porte bien ! La crise actuelle touche surtout les grandes orientations politiques, elle n’a guère d’effet sensible sur le détail du travail institutionnel, et c’est ce fonctionnement quotidien qui détermine l’emploi. En France, les dernières alternances au sommet se sont accompagnées d’une intense activité gouvernementale ou législative et, du coup, d’une recrudescence du lobbying.

Ce sont des tendances lourdes, comment pourraient-elles ne plus tenir leur place dans l’orientation du métier ? Mais il faut se méfier de trop croire aux simples prolongements, comme le montre l’exemple de la protection de l’environnement : il y a une dizaine d’années, elle avait le vent en poupe, il était facile de prévoir que les lobbyistes écologistes allaient gagner sur tous les tableaux, tant la préoccupation était dominante. La crise est passée par là et les maîtres-mots sont devenus emploi, exportations et compétitivité. Les considérants des défenseurs de l’environnement ne sont plus que des arguments parmi d’autres, ils s’effacent en partie devant les questions économiques et sociales, les contraintes financières et le commerce international.

On peut donc prédire aux lobbyistes une activité en croissance, un perfectionnement des outils - mais en revanche, une difficulté de plus en plus grande à obtenir satisfaction chaque fois que le but n’est pas de maintenir le statu quo.

 

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